Florent Brac de la Perrière, conseiller à la Chambre d’agriculture du Cher et animateur d’Adéfibois Berry [ABB] : Est-ce que le prix du bois-déchiqueté sous forme de plaquette a significativement augmenté ces derniers mois ?
Mathieu Accolas, président de la SCIC Berry Energies Bocage [SCIC BEB] : Non, on ne peut pas dire ça. Chez nous, le prix de la plaquette a légèrement augmenté l’année dernière, mais c’était indépendant du contexte international. Nous avions fait le choix d’augmenter le prix payé aux producteurs de plaquettes, qui sont des agriculteurs gestionnaires de haies, et de répercuter cette hausse aux utilisateurs, pour la plupart des collectivités, tout en renforçant le financement de notre structure. L’augmentation totale avait été de 3%, soit 0 % depuis la création de la structure il y a plus de 10 ans... on est loin d’une envolée des coûts !
[ABB] : Comment cela s’explique-t-il ? n’y a-t-il automatiquement un lien avec les énergies fossiles ?
[SCIC BEB] : Pas automatiquement, non. Nous sommes une structure qui organise la filière à l’échelon local. Autrement dit, nous mettons en lien direct des producteurs et des utilisateurs, en leur facilitant la vie et en les sécurisant : organisation des chantiers, centralisation de l’administratif, assurance d’un combustible sec de qualité, solution de livraison, etc. Nous sommes donc complètement indépendants des filières de combustibles fossiles, à part les consommations de carburant mais elles sont très limitées dans la chaîne de valeur.
[ABB] : le contexte actuel est tout de même à l’inflation… est-ce que les prix de la SCIC ne vont pas nécessairement augmenter à l’avenir ?
[SCIC BEB] : Si, fatalement un peu, puisque nous cherchons à proposer le prix le plus juste au consommateur et aux utilisateurs. D’ailleurs les prix pratiqués par la SCIC BEB sont votés chaque année de manière transparente entre les différents collèges qui la composent : producteurs, salariés, utilisateurs et acteurs du territoire. Par manque de visibilité entre autres, nous avons fait le choix cette année de ne pas augmenter nos tarifs pour l’ensemble de la saison de chauffe 2022-2023. L’année prochaine nous voterons probablement une hausse de quelques pourcents, puisque les coûts de revient pour le producteur évoluent forcément, mais cela restera très raisonnable par rapport aux incertitudes qui entourent les énergies concurrentes.
[ABB] : Mais tout de même, mettons-nous à la place d’une mairie qui envisage de revoir son mode de production d’énergie : c’est un projet qui engage sur le long terme, comment savoir si on fait le bon choix ?
Loin de dégrader les paysages, une filière locale de bois-déchiqueté permet au contraire de donner de la valeur aux arbres et assurer le maintien des haies et bosquets à long terme
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[SCIC BEB] : Les prix des énergies fossiles ont augmenté très brutalement et évoluent globalement de manière imprévisible, même si les estimations à long terme prévoient une augmentation continue. Mais en plus, dans le bois-énergie, le coût du combustible n’est qu’une petite partie du coût de l’énergie. Le reste est représenté par l’infrastructure principalement, donc il est connu dès le démarrage du projet et ne varie plus par la suite. Si les voyants sont au vert au démarrage, ils ne feront donc certainement que s’améliorer encore ensuite. La mairie ou l’entrepreneur qui fait le choix du bois-déchiqueté fait donc un choix qui stabilise le coût de son énergie dès maintenant et pour très longtemps.
[ABB] : Les granulés ont augmenté principalement parce que les capacités de production n’ont pas suivi l’augmentation de la consommation, comment savoir si cela n’arrivera pas demain à la filière bois-déchiqueté ?
[SCIC BEB] : Les granulés et le bois-déchiqueté sont des combustibles assez différents en réalité. Le granulé est un produit plus transformé, plus lourd, qui paradoxalement voyage mieux, car le transport représente une part plus faible. Si on manque de granulé, il est possible de le faire venir de plus loin, d’un autre pays… Ce n’est pas le cas pour le bois-déchiqueté, qui ne se déplace généralement que de quelques dizaines de kilomètres au maximum entre le lieu où l’arbre a poussé et le lieu où il est utilisé. Or non seulement la fabrication du bois-déchiqueté n’est pas limitée par des outils de transformation lourds, mais en plus nous avons largement assez de bois autour de nous pour les prochaines années, en gérant le bois durablement et sans parler d’éventuelles plantations supplémentaires.
En milieu urbain, le bois-déchiqueté peut également permettre de donner une valeur à des arbres parfois difficiles à gérer
[ABB] : Souhaitons donc une belle suite à cette aventure locale, quelles sont vos prochaines perspectives ?
[SCIC BEB] : D’abord, nous allons commencer par accueillir notre nouveau directeur de production dans les prochaines semaines, ce sera une étape à part entière de notre développement. Puis nous allons continuer à nous développer dans de nouveaux territoires, notamment dans le nord du Cher, chercher de nouvelles chaufferies à approvisionner, toujours dans une logique de partenariat local et nous allons continuer à développer les plans de gestion des haies, en lien avec la Chambre d’agriculture et grâce au soutien du Pays Berry Saint-Amandois. Avec le changement des mentalités, enfin réel, les solutions de tiers investissement qui se développent pour soulager les porteurs de projet… les perspectives de la SCIC Berry Energies Bocage sont très encourageantes !
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